lundi 11 octobre 2010

Du coté de chez Nosfératu

Un article de Aleivan

Concevant et mettant en scène une réalisation de fantasme : rendre ardent, sensuel l’au-delà du principe de la vie, Didier Bétourné fait la preuve qu’un artiste ne crée pas la Beauté mais retire simplement tout ce qui l’occulte et empêche de la percevoir. Il ne fabrique pas, il gomme, ponce, dépouille pour qu’apparaissent sous les strates pesantes de la souffrance quotidienne la magie de l’amour et que surgissent dans la nuit de l’âme la petite lueur secrète du rêve...

Pas de paroles vides ! Mais à la marge un Récit.
Une Voix sort d’un espace transitionnel entre la scène et la salle : « Il était une fois... » Une fois, une seule peut être ! Mais qui donne un sentiment d’éternité... La neutralité et l’atemporalité du murmure suscitent la Chanson de Geste et permettent au drame de se déployer aussi lentement qu’amplement. Elle retient. Elle donne toute sa place à la légende... Alors se laissant entraîner au fil d’un des plus purs objets du désir, à l’écoute de cette Voix, chacun peut s’emplir de l’histoire oubliant pour un moment les méandres chaotiques de sa propre voie intérieure...

Pas de chansons ! La musique pure du Piano.
En devancements, en accompagnements, en échos à la signifiance du récit qu’elles enrobent d’émotions subtiles, abstraites les notes courent sur de multiples portées. Via des rythmicités virtuoses, les lignes mélodiques, emportées par la confusion des sentiments qui les inspire, ouvrent l’espace de la scène habitée par l’ambivalence humaine...

Pas de gestes ! Pas de mimes ! L’imaginarisation ébranle, ici et maintenant, le mouvement expressionniste et l’arrête lorsque, brusquement, il trouve le vif de son harmonie symbolique, sa vraie valeur d’acte subjectivant...

Pas de personnages, une personne ! Une femme seule plus qu’immobile, prostrée, envahie par l’immensité du chagrin qui l’accable.
Non, pas prostrée ! Alors quoi ? Plongée dans le souvenir ? Soumise à l’attente d’un avenir terrifiant d’incertitudes ? Prisonnière de l’entre parenthèses ?
Non, pas seule ! Alors quoi ? Animée par l’espoir de quelque chose ? Habitée par l’espérance de quelqu’un ?

Et puis les noirs menaçants de la pause lourde et sourde avant les « orages désirés ».

La culminance de l’émotion s’épanouit lorsque, affrontant vents et tempêtes, Lucie (Guénaëlle Jeulin) belle, sauvage, forte et tenace dans sa fragilité, laisse (et/ou fait ?) advenir l’Autre (Sébastien Marchal) beau, calme, élégamment inquiétant par sa familière étrangeté fantomatique, l’envoûtant Revenant nocturne qui, l’emplissant de sa présence absente, la révèle à elle-même éperdue, perdue de se trouver... Il donne, prend, brise. Mais comment savoir lequel accouche l’autre à la vérité de son être authentique ?

La montre s’arrête.

Comme après la note du concert qu’on voudrait n’être pas la dernière : silence !
Comme après l’amour (car c’est bien cela que chaque spectateur vient de faire), en suspens, retenu dans une espèce d’engourdissement magique, sauf à obéir au signe aussi mesuré qu’impératif (« Rideau ! L’aventure est terminée. Le mythe est consommé. ») de celui qui mène la danse depuis le début, Nosfératu, il est difficile, presque douloureux, d’applaudir à tout rompre car, précisément, c’est rompre, mettre un point final à la jouissance et casser le sortilège pour retrouver dans la rue la bruyante et banale réalité journalière.

Un moment de grâce claire obscure que ce spectacle !
Merci à Didier Bétourné. Merci aux deux comédiens. Merci au Piano (Sophie Lamour). Merci à la Voix (Sophie Latour)...
En passant du cinéma au théâtre la gageure est grande de si bien rappeler Murnau qu’on l’enfouit dans l’oubli comme pour en faire l’inconscient de l’œuvre nouvelle... Référence respectée d’une créativité bétournienne assumée. Parfaitement réussi le miracle d’un déplacement du cinéma en contrastes hugoliens noirs et blancs (avec cependant l’échelle de leurs nuances délicates gris souris), au théâtre en oppositions tout aussi violentes mais où se glisse entre le Noir de la nuit, la moirure corbeau des costumes et le brouillard des âmes, le Blanc émouvant des épaules nues de Lucie un en plus : le Rouge. Le feu magnifiquement passionnel de l’amour-amort : l’incarnat éclatant des lèvres désirantes et désirées de la jeune femme, la braise incandescente des regards échangés ! Et délicieuse coquinerie de l’humour un peu fou : la pourpre hautement symbolique du petit bitos de la pianiste posé sur sa blondeur pour retenir les excès échevelés de la vie triomphante...

lundi 4 octobre 2010

Dernières critiques


Encore merci à tous ceux qui ont pu venir découvrir Nosfératu au Théo Théâtre. La trilogie Jack l'Eventreur, Le mystère Hyde et Nosfératu reviendra bientôt... soyez patient.

dimanche 3 octobre 2010

Ce qui reste de soleil en hiver



Merci à tous ceux qui sont venus voir Nosfératu. L'aventure n'est pas finie, tant qu'il restera un souffle de lumière, et nous vous invitons à découvrir dans la page "Dracula", le nouveau roman de Ghost Writer.

vendredi 1 octobre 2010

Le temps est un grand maitre, il règle bien des choses.


Si le temps est un grand maître, il nous enseigne d’abord qu’hier ne sera pas demain qui n’était pas aujourd’hui. Cette temporalité fixe l’organisation du monde, orchestre toutes les métamorphoses sauf celles de ceux qui résistent, contre tout attente, à l’inévitable. Faust, Dorian Gray, Nosfératu sont dans le refus de la métamorphose et par métamorphose entendons seulement celle de la lente évolution de chaque être. Faust veut renier le temps, aspire à la vie éternelle, Dorian Gray arrête le temps afin d’être le symbole visible d’un nouvel hédonisme, Nosfératu tue le temps, pompe le sang, enlève la vie pour sa propre régénération, dans la négation absolue de l’autre.
Car accepter l’autre c’est accepter de mourir, recevoir la vie qui n’est que mouvement, un fleuve dont le lit est immuable, mais la matière changeante.
Qui mieux que Dracula illustre cette métamorphose. Il semble qu’il possède ce pouvoir de libérer des fantasmes, des attentes. En faisant mourir la jeune fille, il lui offre une renaissance en tant que femme. Cette femme qui n’est à « chaque fois, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. »

Filmographie :
_ Faust, une légende allemande, de Friedrich Wilhelm Murnau (1926)
_ La beauté du Diable, de René Clair (1949)

Le temps qui coule

dimanche 12 septembre 2010

Où Nosferatu n’est pas Dracula ?

Gravure extraite de
Le Vampire
de
Jean Mistler,
Editions du Rocher, 1944
Si vous n’avez jamais lu le livre de Bram Stocker Dracula, regardez Nosferatu de Murnau et si vous n’avez jamais vu Nosferatu lisez Dracula, mais l’un ne dispense pas de regarder l’autre, et l’autre n’exclut pas de lire le premier, les deux ne se confondent pas. Si pour des raisons de budget, Murnau ne pouvait s’acquitter des droits d’auteur sur l’œuvre de Bram Stocker, s’il n’est pas contestable qu’il y a plagiat, il n’en reste pas moins que c’est un chef-d’œuvre du cinéma, et que Nosferatu n’est pas Dracula.
Nosferatu n’est pas un homme d’un autre temps, mystérieux et raffiné. Il est de tous les temps, sans épaisseur, sans ombre. Il ne s’inscrit pas dans le mythe romantique. Il n’y a qu’à comparer les physionomies et les interprétations et de Carlos Villarias dans le Dracula de Georges Melford (1931) et Bela Lugosi dans celui de Tod Browning (1931), avec celles de Max Schreck.
Nosferatu n’est pas un être de désir. Il fonctionne comme un organisme primaire. Il a besoin de sang pour sa survie. Il s'abreuve à la gorge de Mina. Il ne suscite rien, seul la nécessité le guide. Il ne restitue rien à la femme, il ne la révèle pas dans sa sexualité, il prend : c’est un usurier qui manœuvre dans un monde d’objet. Nosferatu est incapable de réhabiliter le désir fondateur.
Par son mort-vivant, Nosferatu proviendrait du roumain « nu sfîrşitul » qui signifie « le non fini », c'est-à-dire le non-mort, Murnau est en quelque sorte l’inventeur des zombies et de l’homme moderne.

Filmographie :
_ Nosferatu, (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens), Friedrich Murnau, 1922, avec Max Schreck.
_  Dracula, George Melford, 1931, avec Carlos Villarías. Il s'agit d'une adaptation assez fidèle du roman de Bram Stocker.
_ Dracula, Tod Browning, 1931, avec Bela Lugosi.

dimanche 6 décembre 2009

Jack l'Eventreur épate la gallerie


Créé au Théo Théâtre à l'occasion du festival "Les Bonimenteurs", en septembre 2009, Jack l'Eventreur a été repris à la galerie Vivienne le 28 novembre 2009.

Dans ce cadre magnifique situé entre le Palais-Royal, la Bourse et les Grands Boulevards, les personnages exaltés de Jack l'Eventreur ont laissé libre cours à leur douce et poétique folie.

Au pied de l'escalier monumental de l'ancien hôtel habité par Vidocq, l'émotion était grande pour les spectateurs, et la fraîcheur de l'automne parisien n'expliquait en rien leurs frissons de plaisir ! La musique live des deux Sophie, la performance d'un Fabrice cultivant mystère et élégance et une Gwénaelle plus troublante que jamais sont les vrais responsables ! Un coup d'œil sur les critiques du spectacle vous en donnera un aperçu.

Et pour ceux qui ont eu le tort impardonnable d'être absents, voici une photo de l'équipe avant de retrouver prochainement le petit monde de Jack L'Eventreur pour de nouvelles représentations.